mardi 12 septembre 2017

Sucre et vin, amis ou ennemis? (Suite)

Notre billet de la semaine dernière expliquait la notion de sucre résiduel, la définition d’un vin sec et qu’il était normal que certains vins soient très sucrés (ce qu’on appelle les liquoreux), d’autres seulement un peu ou pas du tout. Par contre, pour les vins qui contiennent plus que 10 grammes de sucre résiduel, on note des écarts importants entre le jugement des professionnels et celui des consommateurs moyens.

Les sommeliers ou critiques vont encenser certains vins blancs d’Alsace ou d’Allemagne plutôt sucrés ou bien sûr les fameux Sauternes, des cuvées assez peu vendues, souvent fort chères d’ailleurs. Par contre, les consommateurs achètent beaucoup certains vins rouges avec 10 à 15 g/L de sucre, comme le Liano, le Ménage à Trois, l’Apothic Red ou encore des White Zinfandel rosés qui en contiennent environ le double. Ces vins suscitent des commentaires très négatifs, pour ne pas dire méprisants des pros. Au mieux ceux-ci diront, avec un brin de condescendance, que ce sont des vins pour les débutants, que ces buveurs passeront ensuite aux vrais vins. Au pire, ils les compareront à du coca-cola (qui contient en réalité 90 g/L de sucre, la comparaison est donc disproportionnée).

Pourquoi certains vins peuvent-ils être sucrés et appréciés des critiques et d’autres non? Il y a deux raisons.

La première est liée à l’origine de ce sucre résiduel. Certains cépages blancs peuvent être vraiment très sucrés. Les raisins gelés (utilisés pour les vins de glace), botrytisés (pour les Sauternes) ou cueillis très tard (pour les vins de vendanges tardives) contiennent énormément de sucre. La fermentation ne peut jamais tout le transformer en alcool et il y restera donc un niveau élevé de sucre résiduel. Celui-ci est d’origine « naturelle » et n’indispose par les pros.

Par contre, certains producteurs ajoutent du sucre, ou plus précisément du moût concentré, à leur vin après la fermentation(*). Le jus de raisin concentré étant très sucré, cela crée un sucre résiduel « artificiel » qui est très mal vu par bien des sommeliers. Pour eux ce sont des vins édulcorés, pour ne pas dire trafiqués. Cette pratique venue du nouveau monde est maintenant autorisée en Europe, mais néanmoins proscrite dans les appellations prestigieuses.

La deuxième raison est reliée à la notion d’équilibre, dont nous avions parlé dans notre billet : L’acidité dans le vin, l’importance de l’équilibre. Un sucre résiduel élevé doit être compensé par une forte acidité et si le taux d’alcool est également un peu haut, le vin peut facilement paraître lourd ou mou. Par contre, l’appréciation de cet équilibre est très variable selon les personnes et dépend aussi des conditions de consommation. En mode dégustation, la lourdeur est plus évidente que lorsque le vin est bu sans trop d’attention. Et dans une dégustation de nombreux vins comme le font souvent les pros, les cuvées un peu lourdes seront plus désagréables encore.

Chez HippoVino, nous ne portons pas de jugement sur les goûts de chacun, comme nous l’avons clairement expliqué ici : La définition d’un bon vin, c’est quoi? La formule de notre site Web privilégie les vins qui ont eu des critiques favorables, c’est pourquoi les bouteilles mentionnées plus haut n’y sont pas. Par contre, nous n’éliminons aucun vin sur la seule base de son taux de sucre. Si vous aimez vos rouges un peu plus doux mais néanmoins équilibrés, essayez par exemple le Periquita Reserva, le Quinta das Setencostas Alenquer, le Montecorna Valpolicella Ripasso ou encore le Famiglia Pasqua Black Label Amarone.

À la bonne vôtre !

Alain P.

(*) Les vignerons ont la possibilité d’ajouter du sucre ou du moût concentré avant la fermentation, c’est ce qu’on appelle la chaptalisation. Ceci permet d’élever le degré d’alcool du vin lorsqu’il a fallu le récolter avant sa pleine maturité, souvent en raison d’aléas météorologiques. Cette pratique est réglementée et contrôlée dans les vins d’appellation. Avec le réchauffement climatique, elle est moins pratiquée de nos jours, sauf en cas de météos exceptionnelles. Cette notion de conditions exceptionnelles est utilisée trop libéralement selon certains, mais les critiques sont en général moins virulentes que pour l’édulcoration après fermentation.

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