mardi 30 juillet 2019

Canicule dans les vignes, le millésime est-il cuit?

Ce n’est pas si simple, comme on va le voir plus en détails. De nos jours, les aléas météorologiques font l’objet d’une couverture médiatique où tout est présenté sous les angles les plus dramatiques. Comme les changements climatiques augmentent le nombre d’occurrences de situations extrêmes (pour les canicules on peut facilement le visualiser avec le diagramme de ce tweet) les médias ont du grain à moudre. Ceci dit, il est clair que la canicule du début de l’été 2019 a battu des records en Europe. Elle a eu et aura encore dans les prochains mois des conséquences pour l’agriculture et la viticulture. Le millésime 2019 sera donc affecté mais est-il compromis?

Photo Champagne J-M Texier
Certaines conséquences ont été immédiates. Dans plusieurs régions mais surtout dans le Languedoc, des raisins ont subi ce qu’un appelle l’échaudage. Ils ont été brûlés par le soleil et les grains sont devenus desséchés. Ces raisins sont désormais inutilisables. Lorsqu’il s’agit de quelques grappes par ci par là, cela veut dire une baisse de rendement, mais si c’est généralisé, c’est une perte de récolte dans la zone touchée et c’est un drame pour le vigneron. La situation est encore pire pour les exploitations qui ont été touchées par d’autres problèmes (par exemple gels printaniers ou averses de grêle) auparavant. Si on regarde l’ensemble du vignoble français, les cas d’échaudage semblent limités. Le principal impact prévu de cette canicule en France sera donc une baisse de production, celle-ci pouvant être dans les plus basses des 5 dernières années. La bonne nouvelle est que les fortes températures et le temps sec limitent le développement des maladies comme le mildiou, seul l’oïdium est présent actuellement.

Il reste la question de la qualité des vins du millésime 2019. L’aspect favorable est le bon état sanitaire des vignes. Le problème est la baisse de l’acidité engendrée par la chaleur. L’impact ne sera pas le même pour tous. L’exemple des canicules précédentes, par exemple celle de 2003, a montré une grande diversité de résultats. Plusieurs producteurs ont réussi des vins agréables à boire en jeunesse, mais en général il était préférable de les consommer plutôt rapidement. On a souvent recommandé de ne pas dépasser 10 ans de garde pour les cuvées de 2003 et j’ai plusieurs fois dégusté des vins, habituellement de bonne garde, déjà sur le déclin à partir de 2011 et des années suivantes.

Mais là encore, il y a des exceptions. On vous a parlé sur HippoVino Hebdo du 21 juin dernier du champagne millésimé Grands Terroirs 2003 de la maison Palmer, une cuvée exceptionnelle de qualité, qui vient tout juste d’être lancée. De mon côté, j’ai dégusté récemment un Château Poujeaux Moulis-en-Médoc 2003, et il s’est avéré excellent, malgré ses 16 ans d’âge. J’avoue que j’avais peu d’attente lorsque mon ami Daniel a sorti cette bouteille de sa cave, mais mes préjugés sur le millésime 2003 ont été balayés dès la première gorgée. Ce millésime était produit avec 46% de cabernet sauvignon et 45% de merlot, complétés par 5% de petit verdot et 4% de cabernet franc. Il a été élevé 12 mois en fûts de chêne, dont 30% de neufs. Si l’œnologue du domaine, M. Jacques Boissenot, lui prédisait une apogée à 10 ans d’âge, la réalité me semble plus de 15 à 18 ans. Les saveurs d’évolution sont encore discrètes, les flaveurs de fruits noirs sont encore au rendez-vous, la matière ne manque pas, la texture est très soyeuse avec de beaux tanins parfaitement enrobés et la finale est fort agréable. Un superbe accord avec des côtelettes d’agneau et quelle bonne idée de l’avoir attendu aussi longtemps !

Le Château Poujeaux est un des rares vins du Médoc de l’appellation Moulis disponibles à la SAQ. C’est une des cuvées les plus renommées de cette région et, même si je n’ai pas goûté le 2010 qui est actuellement dans quelques succursales, c’est un millésime béni des dieux à Bordeaux que je n’hésite donc pas à recommander. À condition bien sûr que vous ne soyez pas dissuadés par son prix de 80 $. On doit pouvoir le consommer dans les 2 prochaines années en le passant un bon 30 minutes en carafe, mais son apogée devrait plutôt se situer dans 5 à 10 ans.

À la bonne vôtre !

Alain P.

Un autre billet sur les vins de garde : Boire un vin à son apogée, pas simple mais si agréable !

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