jeudi 30 avril 2015

Ancien ou nouveau monde du vin, affaire de géographie, vision ou style?

Plusieurs critiques de vin réfèrent souvent aux dénominations ancien et nouveau monde. Mais de quoi parlent-ils  au juste?

La référence géographique est simple. L’ancien monde est constitué de la France, l’Italie et l’Espagne. Le nouveau monde est constitué des États-Unis, de l’Argentine, du Chili, de l’Afrique du Sud, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Dans l’ancien monde, on fait du vin depuis l’antiquité – la Grèce et plusieurs pays du Moyen-Orient devraient d’ailleurs être ajoutés à la liste – tandis que pour le nouveau monde, c’est plus récent. On notera tout de même que des vignes ont été plantées dans ces nouveaux pays dès le début de la colonisation. En Afrique du Sud par exemple, l’histoire du fameux vin de Constance remonte à 1685 !

Photo Flickr par Norman B. Leventhal Map Center at the BPL
Une des différences les plus évidentes entre les deux mondes est la vision de ce qui définit un vin. Alors qu’en Europe on privilégie la notion d’appellation géographique, le nouveau monde a suivi la voie californienne des cépages. Évidemment, chaque appellation est limitée à un ou plusieurs cépages, mais les européens jugent que le « terroir » est la clef de voûte qui établit ce qu’est un vin. J’ai mis le mot terroir entre guillemets, car s’il est utilisé à outrance, sa signification est parfois variable. Pour certains, le terroir inclut une notion de traditions et donc une définition précise de méthode de vinification et de type de vin. Les vignerons du nouveau monde ont longtemps défini leur vin comme l’expression d’un cépage donné. Leur objectif est donc de produire le style de vin qui, selon eux, correspond à ce que devrait être un Cabernet-Sauvignon ou un Pinot Noir, par exemple.

Mais quand vous lisez une critique qui parle d’un vin « nouveau monde », il réfère en fait à des stéréotypes de styles. Un Cabernet-Sauvignon fait de raisins surmûris, avec un maximum d’extraction pour obtenir un vin hyper dense aux saveurs percutantes. Ou un Chardonnay au boisé très appuyé qui vous donne l’impression de lécher une barrique. Si ces caractéristiques existent bel et bien dans certaines cuvées, il reste que les vignerons des pays du nouveau monde ont bien évolué dans les 20 dernières années.

On y trouve désormais une palette aussi large de types de vins qu’en faisant le tour du vieux continent. Et vous lirez souvent que tel Chardonnay ou Pinot ressemble à s’y méprendre à un Bourgogne. Sans compter que je découvre de plus en plus de cuvées qui ont des personnalités carrément différentes, bien à elles. Je pense par exemple au Sauvignon blanc de K Vintners, qui provient de Columbia Valley dans l’État de Washington. Il ne se distingue pas seulement par son étiquette, dont j’avais parlé dans ce billet, mais aussi par son acidité tranchante et ses saveurs explosives. À l’inverse, le Chardonnay Locura 1 du vignoble Clos des Fous au Chili est d’une finesse et d’une élégance remarquables.

C’est aussi vrai pour des vins plus abordables, comme le Cabernet-Sauvignon californien de la maison Bonterra, qui, en plus d’être bio, est un rouge harmonieux, très loin des stéréotypes du Cab survitaminé. Par contre, si vous vous demandez ce qu’est un style nouveau-monde, essayez cet argentin produit par un vigneron français, le Clos de los Siete : un rouge corsé aux saveurs marquées et au boisé bien présent, mais qui ne tombe pas dans la caricature.

Personnellement, je remarque une autre différence entre les deux mondes. Les vignerons des nouveaux pays sont plutôt à l’écoute des clients, de leurs goûts et de leurs commentaires. Inversement, on trouve en France un bon nombre de « gens qui savent », et qui savent tellement qu’ils sont prêts à imposer leur vision envers et contre tout. Les clients qui n’aiment pas leur cuvée oxydée, mais ce sont des ignares. Les vignerons qui ne pensent pas comme eux, rien de moins que des empoisonneurs ou des bandits.

Oui, ce comportement prétentieux me tape sur les nerfs. C’est un peu pour ça que vous voyez davantage de vins italiens, espagnols ou grecs dans mes recommandations récentes. Je vous promets aussi de faire une plus grande place au nouveau monde, que j’ai négligé depuis le début de ce blogue. Et rassurez-vous, je ne snoberai pas les belles cuvées de l’hexagone, surtout qu’on y trouve malgé tout plein de vignerons sympathiques et qu’après tout, ce qui compte le plus… c’est le contenu de notre verre !

À votre santé !


Alain P.

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