mercredi 10 février 2021

Quand les petits cépages font des grands vins

Si vous pensez que le monde des vins blancs se limite aux cépages chardonnay, sauvignon et riesling, détrompez-vous. Il se fait de très bonnes cuvées avec une bonne centaine de variétés de vignes différentes et voici deux superbes blancs produits avec des cépages utilisés en France depuis fort longtemps, mais qui n’ont jamais été classés dans les « cépages nobles ».



Commençons par le sylvaner, un cépage surtout cultivé en Allemagne mais aussi présent en Alsace. Il est souvent snobé par les spécialistes, mais le Domaine Kirrenbourg Sylvaner Roche Granitique 2017 (Hipponote 3.5* $$$$ SAQ : 31.25$) pourrait bien leur faire manger leur chapeau dans une dégustation à l’aveugle.  Je l’ai aperçu il y a environ 3 mois sur la tablette des vins d’Alsace de la SAQ et comme personnellement j’aime bien le sylvaner, j’ai décidé de l’essayer, même si je n’avais jamais entendu parler de ce domaine auparavant. Je n’avais pas encore fait de recherche à son sujet lorsque j’ai ouvert la bouteille la semaine dernière. Première surprise, la couleur paille, nettement plus accentuée que le sylvaner moyen, habituellement plutôt pâle. Au nez, des arômes d’agrumes mais surtout un côté minéral typique du cépage, avec l’intensité attendue d’un terroir granitique. La deuxième surprise est l’effet Wow en bouche, quelle énergie et quelle tension ! Les saveurs de citron meyer avec une petite touche de pamplemousse sont propulsées par une minéralité super intense jusque dans une longue et si agréable finale. Bref, j’ai adoré. Meilleur sylvaner à vie, point final ! J’ai découvert après la dégustation que Jean Aubry et Wine Enthusiast l’avaient adoré, eux aussi. Un blanc excellent pour accompagner poissons et fruits de mer. Hélas et trois fois hélas, il en reste assez peu et plus du tout dans mon coin de pays…



Passons au melon de Bourgogne, un autre négligé tout simplement parce qu’il a changé de région pour coloniser le pays nantais, où il est devenu le cépage du Muscadet, au point où certains l’ont rebaptisé muscadet lui-même. Lui aussi longtemps snobé par les spécialistes qui n’y voyaient qu’un petit blanc de comptoir de bistrot (légende illustrée par les gags désopilants du Chat de Philippe Geluck : «Roger, un Muscadet !» ), il bénéficie aujourd’hui d’une nouvelle aura grâce à ce que ces mêmes spécialistes ont baptisé son renouveau. Si je bois du Muscadet (et aussi du sylvaner) depuis fort longtemps et y ai toujours trouvé des bouteilles intéressantes, je vous confirme néanmoins que les trente dernières années marquent une nette évolution de cette région. Une nouvelle génération de vignerons a fortement haussé le niveau qualitatif de leurs cuvées et poussé à la création des crus communaux, qui représentent les meilleurs terroirs de l’appellation. La bouteille qui suit n’en fait pas partie, mais son niveau indique qu’on verra peut-être un jour un cru de la Haye Fouassière, qui sait.

Tout ça pour parler de la cuvée Le Fief du Breil 2015 (Hipponote 3.5* $$$$ SAQ :33.25$), un Muscadet Sèvre et Maine du vigneron Jo Landron. Il s’agit d’un domaine familial créé en 1945 par Pierre, le père de Jo et son oncle Julien. Les vignes de 30 à 40 ans sont plantées sur un terroir d'orthogneiss et de quartz granitique et cultivées en biodynamie. La certification bio date de 2002 (Ecocert) et celle de biodynamie de 2011 (Biodyvin).  Le Fief du Breil est élevé 30 mois sur lies fines en cuves de béton enduit de verre. Cela donne un vin blanc de couleur pâle, étonnant par la richesse et la complexité de ses saveurs, qui sont en même temps très délicates. On n’est pas dans le monde de la puissance mais dans celui du raffinement. La trame minérale caractéristique du Muscadet ajoute de la tension et porte les saveurs florales et fruitées pour donner une finale longue et savoureuse. Il est à son meilleur avec une assiette de pétoncles poêlés. Le problème est qu’il n’en reste plus du tout à la SAQ, il faudra attendre le prochain arrivage et faire très vite car Jo Landron semble avoir beaucoup de fans au Québec. Pour goûter à son savoir-faire dès maintenant, quelques chanceux pourront essayer sa cuvée Amphibolite Muscadet-Sèvre et Maine dont il reste encore quelques bouteilles ça et là.

À la bonne vôtre !

Alain P.

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