Un organisme militant anti-pesticides français vient de faire les nouvelles en tentant de discréditer la certification Haute Valeur Environnementale (HVE). Celle-ci porte sur quatre domaines : stratégie phytosanitaire, préservation de la biodiversité, gestion des engrais et gestion de l'eau. Plus de 5000 exploitations agricoles sont aujourd’hui certifiées HVE. Un grand nombre de vignobles bordelais, une région très critiquée par les environnementalistes, ont adapté leurs pratiques pour atteindre une telle certification. Les militants environnementalistes, qui ne jurent que par le bio et les petits domaines, sont férocement contre cette démarche, qui permet aux plus grands domaines en culture raisonnée (qui utilisent la plus petite quantité de pesticides possibles) de démontrer leur efforts. Précisons que la certification HVE correspond à une charte précise, reconnue par un organisme scientifique (l’Institut Français de la Vigne et du Vin - IFV) et fait l’objet de contrôles par des organismes de tierce partie reconnus (AFNOR, Bureau Veritas, Ecocert…). Pour comprendre par vous-même ce que veut dire HVE, téléchargez le guide de sensibilisation HVE de l’IFV.
De leur
côté, les soit disant environnementalistes sont prêts à encenser tout domaine
qui se prétend bio, même s’il n’est pas certifié, surtout si son propriétaire a
une grosse moustache. Une position que je ne partage pas, vous l’aurez
certainement compris. Le label HVE a le mérite d’exiger une certification et de
couvrir plus que l’usage des produits phytosanitaires, notamment la biodiversité
et la gestion de l’eau, deux points critiques dans une démarche
environnementale. Un domaine certifié bio, c’est très bien, mais s’il est
aussi certifié HVE, c'est encore mieux.
Revenons à
l’alerte dont il est question aujourd’hui. La publication présente les résultats d’analyse de résidus de pesticides dans 22 vins, surtout de Bordeaux,
dont certains sont certifiés HVE. Bien évidemment, des traces de plusieurs
pesticides ont été découvertes (la précision des appareils de mesure actuels
permet de déceler des traces infimes) et la publication hurle au scandale en se
basant sur les dangers potentiels de chaque produit, mais en oubliant de
préciser que les quantités mesurées par le laboratoire sont très en dessous des
valeurs de limites maximales de résidus de pesticides pour les raisins de cuve.
La norme porte sur les raisins et non sur les vins, mais comme 1 kg de raisin
(la base de la norme), permet de produire à peu près une bouteille de vin de
750 ml, une simple règle de trois permet de faire une correspondance. Par contre,
on remarque que le document de l’association anti-pesticides dissimule cette
valeur limite, qu’on peut cependant trouver dans les rapports de laboratoire.
Pourquoi je
parle de fausse nouvelle? Prenons par exemple la fiche d’un Cru Bourgeois du Haut-Médoc
certifié HVE que j’ai recommandé à plusieurs reprises, un très bon vin. On y a
trouvé 6 résidus de produits pour lutter contre le mildiou, le botrytis et l’oïdium,
trois maladies de la vigne très actives dans le bordelais. Selon le rapport de
laboratoire, dans 4 cas les quantités mesurées sont inférieures à 0,001 mg/l alors que les
limites maximales (ramenées à 1 litre pour une comparaison juste) sont de 8 mg,
20 mg, 2 mg, 6.7 mg, autrement dit on est à respectivement 8000 fois moins,
20000 fois moins, 2000 fois moins et 6700 fois moins que les limites permises.
Pour les 2 autres produits, on est à 0.014 mg/l pour une limite de 5.3 mg et
0.0015 mg/l pour une limite de 2 mg, ce qui revient à 378 fois moins et 1300
fois moins que les limites permises. Rappelons que les limites permises
contiennent déjà une forte marge de sécurité, la toxicité ne commence pas juste
à la limite, mais très au-dessus. Les
valeurs indiquées plus haut sont tellement inférieures aux limites qu’il est
profondément ridicule (ou carrément malhonnête) d’y voir un problème.
Faisons une
petite comparaison. On sait tous qu’un médicament même banal a une limite recommandée, 8 comprimés par jour par exemple lit-on sur la boîte d'un produit très courant. Eh bien ce qu’on voit ici ce sont des gens qui
prétendent voir des risques à 1 millième de comprimé ! Quand je dis
profondément ridicule.
En réalité,
ce que ces mesures prouvent, c’est la force de la certification HVE. En effet,
les mesures scientifiques de ce laboratoire démontrent que les vignobles
certifiés HVE utilisent tellement peu de pesticides que les résidus sont en
quantités infinitésimales.
Il est fort
probable que la plupart des fruits que vous avez consommés cet été contiennent
beaucoup plus de résidus de pesticides que ce dont cette association s’offusque,
même s’ils sont là aussi dans les limites légales. Vu autrement, l’air que vous
respirez en circulant dans une grande ville contient sûrement plus de produits
toxiques que votre verre de vin.
Alors, buvez en
paix, mais n’oubliez pas qu’il y a de l’alcool dans le vin et on parle de 12% à
15%, pas de millièmes de milligrammes, donc respectez les consignes de
modération !
À la bonne
vôtre !
Alain P.
[Mise à jour 20-09-2020] Plusieurs documents ont été publiés après notre billet. Le plus important est un communiqué de presse du laboratoire Dubernet, qui a effectué les tests pour la soit disant alerte mentionnée plus haut. Le laboratoire conteste la communication de l’association écologiste et précise bien que les vins analysés sont très en dessous des limites acceptables pour les résidus. Il remarque aussi que plusieurs des millésimes des vins concernés sont antérieurs à la date de certification HVE et qu’il est donc absurde de faire un lien entre ces mesures et la certification en question. Ce communiqué mentionne aussi que la critique uniquement basée sur le critère de l’existence d’une toxicité n’a aucune valeur, la toxicité est indissociable de la quantité. Le laboratoire précise ainsi que les traitements utilisés en bio ont eux aussi les mêmes types de toxicité, par exemple le cuivre est classé H302 (nocif en cas d’ingestion), H319 (sévère irritation des yeux), H315 (irritation cutanée) et H410 (très toxiques pour organismes aquatiques). Malgré cela, le bio ne peut pas être considéré comme dangereux, tout comme les produits de synthèse lorsqu’ils sont bien utilisés.
On peut d’ailleurs poursuivre la comparaison avec le bio, car on sait que les produits bios peuvent aussi contenir des résidus de produits de synthèse même si ces derniers n’ont pas été utilisé en culture bio, il s’agit alors de contamination par voisinage avec des cultures non-bios. La limite de résidu de produits de synthèse tolérable en cas de certification bio est de 0.01 mg pour chacun des produits. Si on se réfère aux chiffres mentionnés plus hauts pour les vins HVE, on remarque donc que quasiment toutes les quantités dénoncées par les écologistes sont pourtant 10 fois inférieures à la limite tolérée pour un produit certifié bio !
P.S. Ce n’est pas la première fois qu’on parle de fausses nouvelles alarmantes sur le vin, en juillet 2018 on a connu une peur de vins soit disant radioactifs, en mars 2015 le faux scandale était relié à la présence de traces d’arsenic dans des vins californiens…
<<
Article précédent – L'éloquent monologue du cépage arinto
Aucun commentaire:
Publier un commentaire