J’ai
découvert il y a quelques jours cet article du magazine New Scientist grâce au fil de Twitter de Sébastien Muniz : Synthetic wine made without grapes claims to mimic fine vintages. Il décrit les tentatives d’une entreprise
californienne, Ava Winery, pour produire des vins de façon purement chimique en
mélangeant de l’eau, de l’alcool et des composés aromatiques. Ava Winery
déclare pouvoir transformer de l’eau en vin en 15 minutes et s’attaque à la
reproduction des plus grands crus de la planète vin. Coup de génie ou charlatanisme
éhonté?
Le premier
défi de nos apprentis sorciers est qu’un vin contient plusieurs centaines de
molécules chimiques différentes. Oui, il y a surtout de l’eau et de l’alcool
éthylique, mais aussi des sucres résiduels, des acides, d’autres alcools tels
que le glycérol, des composés colorants (anthocyanes et flavones) et
aromatiques (esters, aldéhydes, cétones…), des tanins ainsi que des minéraux,
des oligo-éléments et des vitamines. Les chimistes d’Ava Winery pensent pouvoir
aisément contourner ce problème car toutes ces molécules n’ont pas un impact
perceptible sur les saveurs, mais la difficulté est bien sûr d’identifier
lesquelles.
Un second
défi encore plus important est que la composition du vin n’est pas statique,
elle évolue constamment alors que des réactions chimiques se produisent dans la
bouteille. Tant que la bouteille est fermée, cette évolution est très lente mais
elle accélère considérablement au contact de l’oxygène de l’air lorsqu’elle est
débouchée. On pourrait penser qu’il suffit de reproduire la perception à un
instant donné, mais si la composition chimique est différente, l’expérience de
dégustation sera différente dans les minutes qui suivent. Ce qui était agréable
peut le devenir beaucoup moins si, par exemple, la proportion d’acide acétique
augmente au-delà d’un certain seuil. Pour réussir à contrôler ces aspects, il
faudra donc reproduire non seulement les composés chimiques responsables des
saveurs perçues, mais aussi tous ceux qui en influencent l’évolution.
Le
troisième défi que sous-estime manifestement Ava Winery est que de nombreuses
molécules aromatiques artificielles se comportent différemment de leurs
équivalents naturels. La nature les produit de façon progressive et les diluant
au fur et à mesure pour donner un goût parfois très subtil. La version de
synthèse se dilue moins bien et crée les brutales saveurs artificielles qu’on
trouve dans certains médicaments. Le vin synthétique risque donc fort de
ressembler à du Quench dans lequel on a versé de la vodka plutôt qu’à un grand
cru. La dégustation figurant dans l’article cité au début montre d’ailleurs très
bien qu’Ava Winery a beaucoup de progrès à faire.
En même
temps, on doit reconnaître que les connaissances scientifiques progressent
toujours et parfois très vite. Cependant, vu les défis à relever, j’estime qu’ils
seront peut-être capables de copier un vin d’épicerie d’ici quelque temps, mais
que pour les meilleurs vins, la plantation de vignes est encore la méthode à
privilégier. L’AOSC (appellation d’origine synthétique contrôlée) n’est sans doute pas pour demain !
À la bonne
vôtre !
Alain P.
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