mardi 2 octobre 2018

Telmo Rodriguez, le vigneron aux racines profondes comme ses vignes

Rencontrer un vigneron célèbre comme Telmo Rodriguez est toujours un moment excitant. D’une part on sait qu’on va goûter des cuvées qui sortent de l’ordinaire, mais surtout c’est l’occasion d’en apprendre davantage sur son parcours, sa vision et son travail. Mais d’entrée de jeu, les choses ont pris une tournure originale. Si Telmo Rodriguez a commencé par présenter son cheminement, depuis les études d’oenologie à Bordeaux, les stages chez différents producteurs français, puis les débuts de ses nombreux projets viticoles aux quatre coins de l’Espagne, il nous a rapidement prévenu qu’il ne voulait pas être étiqueté comme un «flying winemaker » ni même comme un winemaker tout court. De plus, il n’aime parler ni des cépages qui composent ses vins, ni des techniques de vinification ou d’élevage.

À ce point, l’assistance était quelque peu perplexe et se demandait un peu de quoi nous allions parler. Aucun souci, Telmo Rodriguez devient un verbomoteur intarissable dès qu’il est question de l’Espagne, de ses vignobles et de sa viticulture. Il a soif de partager sa passion et de nous convaincre que son pays a une histoire vinicole aussi ancienne, riche et profonde que la France. Il est désolé du manque de reconnaissance des vignobles espagnols à l’étranger et est convaincu que, pour leur redonner leurs lettres de noblesse, il faut commencer par rechercher, recenser et faire connaître leurs grands terroirs. C’est la mission de la Compañia de Vinos Telmo Rodriguez qui compte maintenant environ 370 parcelles de vignes réparties dans plusieurs régions viticoles.

Ce jour-là, nous avons surtout discuté de son domaine de Galice, Ladeiras do Xil, un projet commencé en 2002 dans la ville de Santa Cruz et l’appellation Valdeorras. Le domaine produit deux cuvées de négoce de plus grande diffusion afin de se rentabiliser, deux beaux vins abordables dont nous avons parlé à quelques reprises : le Gaba do Xil Godello en blanc et le Gaba do Xil Mencia en rouge. Le Gaba do Xil Mencia 2016 dégusté à cette occasion est excellent, meilleur encore que les millésimes précédents, espérons qu’il sera bientôt disponible à la SAQ…

Mais ce domaine possède aussi quelques parcelles très spéciales. Celles plantées de cépages blancs, dans la zone de Ladeiras do Bibei, produisent le Branco de Sta Cruz, un très bon blanc qui n’est pourtant pas à la hauteur des attentes de notre vigneron perfectionniste, qui refuse de le qualifier de grand vin. Mais s’il est un jour disponible ici, il aura une place dans ma cave, grand vin ou pas !

Selon Telmo Rodriguez, les vrais grands  vins de ce domaine sont ses trois cuvées parcellaires rouges, et il affiche d’ailleurs fièrement sur leurs étiquettes Gran Vinedo de Galicia. Les cépages qui y sont cultivés en complantation sont Merenzao, Sousón, Treixadura, Godello Tinto, Brencellao, Doña Blanca et quelques autres variétés ancestrales, en plus du Mencia et de la Garnacha (il n’a pas voulu nous le dire mais c’est écrit sur le site web). Telmo Rodriguez est très fier de ne jamais vinifier de merlot ou de cabernet, seulement de vrais cépages espagnols et de préférence des variétés anciennes. C’est ainsi qu’il espère, selon ses mots, « découvrir le talent de ses vignobles ». Pour cela, les vignes sont souvent plantées et taillées à l’ancienne (bush vines) sur des sols arides qu’on ne peut que travailler manuellement avec beaucoup de difficulté et elles donnent des rendements très faibles. Les coûts sont donc très élevés et se reflètent dans les prix des vins, malgré tout très inférieurs aux grands crus français.

Les raisins sont récoltés à la main en petites cagettes, vinifiés en levures indigènes et les vins élevés en combinaison de fûts et foudres. Ils se distinguent par leur grande fraîcheur et une intensité minérale étonnante.

Le 2015 de la parcelle granitique As Caborcas m’a paru prometteur mais beaucoup trop jeune pour le moment,  je serais vraiment curieux d’y goûter dans 10 ans lorsque l’acidité et les tanins seront moins brutaux. O Diviso 2015 est déjà fort agréable et étonne par la richesse de son fruité, sa profondeur et sa longueur, mais il pourra aussi se développer en cave au moins 10 ans. Mon coup de cœur personnel de la journée est le Falcoeira “A Capilla” 2015, une merveille de pureté et de profondeur. Ma fiche de dégustation est restée blanche, avec simplement un dessin de 5 petits cœurs. Rien à dire de plus.

Merci à Étienne Bézard, à l’agence Trialto et bien sûr à Telmo Rodriguez pour cette belle rencontre.

À la bonne vôtre !

Alain P.

Les cuvées As Caborcas, O Diviso et Falcoeira “A Capilla” ne sont pas disponibles à la SAQ au moment d’écrire ces lignes. Ce document sera mis à jour lorsqu’elles seront arrivées en succursales SAQ Signature et nous vous en ferons part sur les réseaux sociaux.

Pour une autre vision, lisez ce qu’ont écrit d’autres participants à cette rencontre :


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