mardi 9 août 2016

Critiques de vin : déguster à l’aveugle ou pas?

On le lit dans de nombreuses critiques de vin : ce vin a été dégusté à l’aveugle ou, au contraire, à bouteille découverte. Pour les novices, la notion de dégustation à l’aveugle évoque toujours les concours de sommeliers qui essaient de deviner ce qui a été versé dans leur verre, les cépages, le millésime et même le nom du producteur ou de la cuvée. Dans le cadre d’une critique, c’est plus simple, le dégustateur rédige son évaluation sans connaître le vin qui lui est servi, mais n’a rien à deviner comme tel. En découvrant ensuite le vin en question, il peut ajouter des commentaires du style « je m’attendais à une bouteille nettement plus chère.»


Dans ce cas, le but de la dégustation à l’aveugle est d’éviter d’être influencé par des préjugés, positifs ou négatifs, dus au prix du vin, à la réputation du producteur ou à des expériences de dégustation passées. Pour ces raisons, la plupart des auteurs de guides de vin et nombre de critiques dégustent presque toujours à l’aveugle. Mais ce n’est pas toujours possible, par exemple pour des raisons de logistique. En effet, pour pouvoir déguster à l’aveugle, il faut avoir l’aide d’une autre personne. Dans certaines circonstances, comme un salon de vin, c’est juste impossible. Et pour les très grands crus, rares sont ceux qui ont les moyens de se bâtir un ensemble de bouteilles pour un tel exercice.

Bouteilles dissimulées.
D’où bien sûr la grande question : les dégustations à bouteille découverte sont-elles valides? La réponse est oui. Comme nous l’avions écrit la semaine dernière, la technique de dégustation utilisée par les dégustateurs professionnels et les amateurs expérimentés donne des résultats fiables. Je compare souvent les résultats de nombres de critiques et blogueurs et dans la majorité des cas, quelle que soit la méthodologie utilisée, la cohérence est bonne. Il faut néanmoins reconnaître qu’on constate évidemment des différences nettes entre les critiques pour certains vins, mais celles-ci semblent tenir plus souvent aux caractéristiques de ces cuvées et aux goûts des dégustateurs qu’à la méthode de dégustation. En effet, certains dégustateurs ont tendance à rejeter les vins dès que le boisé est un peu marqué, ou si leur profil est trop conventionnel ou au contraire carrément atypique.

Les cas où j’ai pu noter des différences qui semblent influencées par la connaissance du vin dégusté existent aussi. Par exemple, chaque dégustation des vins du Top 100 Wine Spectator, ou encore de cuvées bien notées par Robert Parker, amène son lot de critiques négatives pour des vins pourtant très bons. C’est que plusieurs digèrent très mal l’énorme différence d’influence entre eux et des publications à aussi large diffusion. La notion de vin nature est un autre sujet qui entraîne des points de vue radicalement différents : les pros encensent même les cuvées les plus déviantes et les antis n’acceptent que du bout des lèvres celles au profil plus classique. Chez les critiques français, on trouve nombre de gens qui lèvent le nez sur toute bouteille qui ne sort pas d’un tout petit producteur et snobent délibérément tous les vins de négociants. Dans de tels cas, les dégustations à l’aveugle ont bien meilleur goût ! Mais encore une fois, c’est une minorité.

À la bonne vôtre !

Alain P.

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