On le lit
dans de nombreuses critiques de vin : ce vin a été dégusté à l’aveugle ou,
au contraire, à bouteille découverte. Pour les novices, la notion de
dégustation à l’aveugle évoque toujours les concours de sommeliers qui essaient
de deviner ce qui a été versé dans leur verre, les cépages, le millésime et
même le nom du producteur ou de la cuvée. Dans le cadre d’une critique, c’est
plus simple, le dégustateur rédige son évaluation sans connaître le vin qui lui
est servi, mais n’a rien à deviner comme tel. En découvrant ensuite le vin en
question, il peut ajouter des commentaires du style « je m’attendais à une
bouteille nettement plus chère.»
Dans ce
cas, le but de la dégustation à l’aveugle est d’éviter d’être influencé par des
préjugés, positifs ou négatifs, dus au prix du vin, à la réputation du
producteur ou à des expériences de dégustation passées. Pour ces raisons, la
plupart des auteurs de guides de vin et nombre de critiques dégustent presque
toujours à l’aveugle. Mais ce n’est pas toujours possible, par exemple pour des
raisons de logistique. En effet, pour pouvoir déguster à l’aveugle, il faut
avoir l’aide d’une autre personne. Dans certaines circonstances, comme un salon
de vin, c’est juste impossible. Et pour les très grands crus, rares sont ceux
qui ont les moyens de se bâtir un ensemble de bouteilles pour un tel exercice.
Bouteilles dissimulées. |
D’où bien
sûr la grande question : les dégustations à bouteille découverte
sont-elles valides? La réponse est oui. Comme nous l’avions écrit la semaine
dernière, la technique de dégustation utilisée par les dégustateurs professionnels et les amateurs expérimentés donne des résultats fiables. Je
compare souvent les résultats de nombres de critiques et blogueurs et dans la
majorité des cas, quelle que soit la méthodologie utilisée, la cohérence est bonne.
Il faut néanmoins reconnaître qu’on constate évidemment des différences nettes entre
les critiques pour certains vins, mais celles-ci semblent tenir plus souvent aux
caractéristiques de ces cuvées et aux goûts des dégustateurs qu’à la méthode de
dégustation. En effet, certains dégustateurs ont tendance à rejeter les vins
dès que le boisé est un peu marqué, ou si leur profil est trop conventionnel ou
au contraire carrément atypique.
Les cas où
j’ai pu noter des différences qui semblent influencées par la connaissance du
vin dégusté existent aussi. Par exemple, chaque dégustation des vins du Top 100
Wine Spectator, ou encore de cuvées bien notées par Robert Parker, amène son
lot de critiques négatives pour des vins pourtant très bons. C’est que plusieurs
digèrent très mal l’énorme différence d’influence entre eux et des publications
à aussi large diffusion. La notion de vin nature est un autre sujet qui
entraîne des points de vue radicalement différents : les pros encensent
même les cuvées les plus déviantes et les antis n’acceptent que du bout des
lèvres celles au profil plus classique. Chez les critiques français, on trouve
nombre de gens qui lèvent le nez sur toute bouteille qui ne sort pas d’un tout
petit producteur et snobent délibérément tous les vins de négociants. Dans de
tels cas, les dégustations à l’aveugle ont bien meilleur goût ! Mais encore une fois, c’est une minorité.
À la bonne
vôtre !
Alain P.
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