mardi 23 septembre 2014

Toujours meilleurs, les vieux vins? Non, c’est un mythe…

À force d’entendre dire que les vins s’améliorent en vieillissant, nombreux sont ceux qui croient qu’il s’agit là d’une vérité toute simple. En fait, la réalité œnologique est plus complexe et cette affirmation relève davantage du mythe.
Ce qui est vrai

Plusieurs grands crus, notamment bordelais ou italiens, peuvent se conserver durant de très longues périodes et développent une étonnante complexité avec les années. Cet article récent de Jacques Benoit relate d’ailleurs la dégustation d’un millésime 1981 de Sassicaia, le fameux vin toscan, qui s’est révélé superbe à l’âge vénérable de 33 ans.

On parle dans ce cas de vins de garde, c’est-à-dire de vins qui sont aptes à vieillir très longtemps.

Ce qui a déjà été vrai

Autrefois, les méthodes de vinification produisaient de façon quasi-systématique des vins peu aromatiques et râpeux en bouche dans leur prime jeunesse. Ces côtés désagréables s’atténuaient après quelques années de bouteille, les tanins étant moins astringents dans les rouges, tandis que les blancs devenaient moins acides. Comme les clients s’approvisionnaient souvent chez les vignerons, ils préféraient alors conserver leurs bouteilles quelques années en cave avant de les consommer.

Les vins d’aujourd’hui

Contrairement à cette époque, les vins d’aujourd’hui sont vinifiés pour être prêts à boire dès leur commercialisation. Les étapes d’élevage en fût et en bouteille sont complétées par le vigneron et les bouteilles peuvent en général être dégustées dans les jours suivant leur mise en vente dans les commerces de détail. Ils peuvent néanmoins se conserver quelques années et un petit nombre d’entre eux, notamment les rouges très tanniques, seront meilleurs après trois à cinq ans de vieillissement. Bien sûr, il existe encore de grands vins de garde, nous en avons parlé au début.

Ce qui se passe quand un vin vieillit

Les vins sont composés d’eau (oui, c’est la majorité), d’alcool mais aussi de centaines de composants chimiques déterminants pour leurs saveurs (acides, sels minéraux, composés aromatiques, etc.). Lors du vieillissement, ces composants vont réagir entre eux, soit de façon complètement autonome si le bouchon est parfaitement étanche, soit en combinaison avec la petite quantité d’oxygène  qui s’introduit dans la bouteille si ce n’est pas le cas. Ces réactions chimiques vont modifier la composition du vin et ainsi altérer ses arômes et saveurs.

Photo d’un vin blanc oxydé : un sauvignon blanc,
très pâle à l’origine; la bouteille a été ouverte il y a 3 mois.
Pour les blancs, l’évolution typique montre une couleur plus dorée, une acidité moins vive et des notes de fruits cuits et de noix. Pour les rouges, l’évolution commence par l’assouplissement des tanins et une complexification des arômes et saveurs : ils deviennent plus doux sur la langue avec des notes de cuir ou de feuilles, le côté boisé s’estompe. Avec le temps, un rouge est de plus en plus délicat et la couleur commence à changer vers les tons orangés, on le dit tuilé (sa couleur ressemble à celle des tuiles de toiture).

Lorsque l’oxydation s’accentue, les effets nocifs prennent le dessus très rapidement. Les changements de couleur vont s’accentuer, les arômes et saveurs agréables disparaître et laisser la place à un côté noix rances pour les blancs ou vaguement terreux pour les rouges. Bref, le vin a alors dépassé sa limite de conservation et est bon pour l’évier.

Rien n’est simple

La description précédente est une moyenne générale, chaque vin, on peut même dire chaque bouteille, suit sa propre évolution. Celle-ci n’est pas nécessairement linéaire car les changements de composition peuvent altérer l’équilibre des saveurs, le vin traversant alors un âge ingrat où il sera moins bon, avant de redevenir agréable après 3 ou 4 ans.

Évidemment, tout ceci suppose que le vin est conservé dans des conditions idéales, les bouteilles demeurant couchées à température et humidité contrôlées, dans l’obscurité et sans vibrations.

Les risques sont réels

Certaines bouteilles n’auront même pas la chance de vieillir, un défaut de bouchon ou de vinification pouvant provoquer une altération très rapide dès les premières années. Par exemple, si le bouchon n’est pas assez étanche, le vin va s’oxyder très vite; c’est surtout le cas pour les vins blancs, les tanins des rouges pouvant agir comme un antioxydant durant plusieurs mois.

Bien d’autres problèmes peuvent surgir à tout moment lors du processus, ce qui rend les prédictions de dates d’apogée (le meilleur moment pour la dégustation) ou même de période de garde pour le moins aléatoires.

Laisser vieillir des vins, c’est prendre le risque d’en perdre un certain nombre. Si votre cave est excellente et si vous respectez les consignes établies par les spécialistes, les risques sont moindres, mais la réalité est que vous perdrez néanmoins plusieurs bouteilles.

En conclusion, on en garde ou pas?

Le but de ce billet n’est pas de vous décourager à constituer une cave de vins de garde. Plusieurs amateurs de vins le font et en retirent beaucoup de plaisir. Par contre, si vous mettez n’importe quelle bouteille en cave pour 20 ans, vous vivrez plus de déceptions que de grands moments de dégustation. Notre conseil est donc de prendre le temps de bien vous renseigner, soit sur Internet ou auprès d’un sommelier, avant de vous lancer. Nous reviendrons d’ailleurs sur le sujet dans les prochaines semaines, suivez nous sur Facebook ou Twitter ou utilisez le tag « vin de garde » pour repérer nos articles sur ce thème.

Bonnes dégustations !

Alain P.

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