À force d’entendre
dire que les vins s’améliorent en vieillissant, nombreux sont ceux qui croient
qu’il s’agit là d’une vérité toute simple. En fait, la réalité œnologique est
plus complexe et cette affirmation relève davantage du mythe.
Ce qui est
vrai
Plusieurs
grands crus, notamment bordelais ou italiens, peuvent se conserver durant de
très longues périodes et développent une étonnante complexité avec les années.
Cet article récent de Jacques Benoit relate d’ailleurs la dégustation d’un
millésime 1981 de Sassicaia, le fameux vin toscan, qui s’est révélé superbe à l’âge
vénérable de 33 ans.
On parle
dans ce cas de vins de garde, c’est-à-dire de vins qui sont aptes à vieillir
très longtemps.
Ce qui a
déjà été vrai
Autrefois,
les méthodes de vinification produisaient de façon quasi-systématique des vins peu
aromatiques et râpeux en bouche dans leur prime jeunesse. Ces côtés désagréables
s’atténuaient après quelques années de bouteille, les tanins étant moins
astringents dans les rouges, tandis que les blancs devenaient moins acides.
Comme les clients s’approvisionnaient souvent chez les vignerons, ils préféraient
alors conserver leurs bouteilles quelques années en cave avant de les
consommer.
Les vins d’aujourd’hui
Contrairement
à cette époque, les vins d’aujourd’hui sont vinifiés pour être prêts à boire
dès leur commercialisation. Les étapes d’élevage en fût et en bouteille sont
complétées par le vigneron et les bouteilles peuvent en général être dégustées
dans les jours suivant leur mise en vente dans les commerces de détail. Ils
peuvent néanmoins se conserver quelques années et un petit nombre d’entre eux,
notamment les rouges très tanniques, seront meilleurs après trois à cinq ans de
vieillissement. Bien sûr, il
existe encore de grands vins de garde, nous en avons parlé au début.
Ce qui se
passe quand un vin vieillit
Les vins
sont composés d’eau (oui, c’est la majorité), d’alcool mais aussi de centaines
de composants chimiques déterminants pour leurs saveurs (acides, sels minéraux,
composés aromatiques, etc.). Lors du vieillissement, ces composants vont réagir
entre eux, soit de façon complètement autonome si le bouchon est parfaitement
étanche, soit en combinaison avec la petite quantité d’oxygène qui s’introduit dans la bouteille si ce n’est
pas le cas. Ces réactions chimiques vont modifier la composition du vin et
ainsi altérer ses arômes et saveurs.
Photo
d’un vin blanc oxydé : un sauvignon blanc, très pâle à l’origine; la bouteille a été ouverte il y a 3 mois. |
Lorsque l’oxydation
s’accentue, les effets nocifs prennent le dessus très rapidement. Les
changements de couleur vont s’accentuer, les arômes et saveurs agréables
disparaître et laisser la place à un côté noix rances pour les blancs ou
vaguement terreux pour les rouges. Bref, le vin a alors dépassé sa limite de
conservation et est bon pour l’évier.
Rien n’est
simple
La
description précédente est une moyenne générale, chaque vin, on peut même dire chaque
bouteille, suit sa propre évolution. Celle-ci n’est pas nécessairement linéaire
car les changements de composition peuvent altérer l’équilibre des saveurs, le
vin traversant alors un âge ingrat où il sera moins bon, avant de redevenir
agréable après 3 ou 4 ans.
Évidemment,
tout ceci suppose que le vin est conservé dans des conditions idéales, les
bouteilles demeurant couchées à température et humidité contrôlées, dans l’obscurité
et sans vibrations.
Les risques
sont réels
Certaines
bouteilles n’auront même pas la chance de vieillir, un défaut de bouchon ou de
vinification pouvant provoquer une altération très rapide dès les premières
années. Par exemple, si le bouchon n’est pas assez étanche, le vin va s’oxyder
très vite; c’est surtout le cas pour les vins blancs, les tanins des rouges pouvant
agir comme un antioxydant durant plusieurs mois.
Bien d’autres
problèmes peuvent surgir à tout moment lors du processus, ce qui rend les
prédictions de dates d’apogée (le meilleur moment pour la dégustation) ou même de
période de garde pour le moins aléatoires.
Laisser vieillir
des vins, c’est prendre le risque d’en perdre un certain nombre. Si votre cave est excellente et si vous respectez les consignes établies par les spécialistes,
les risques sont moindres, mais la réalité est que vous perdrez néanmoins plusieurs
bouteilles.
En
conclusion, on en garde ou pas?
Le but de
ce billet n’est pas de vous décourager à constituer une cave de vins de garde.
Plusieurs amateurs de vins le font et en retirent beaucoup de plaisir. Par
contre, si vous mettez n’importe quelle bouteille en cave pour 20 ans, vous
vivrez plus de déceptions que de grands moments de dégustation. Notre conseil
est donc de prendre le temps de bien vous renseigner, soit sur Internet ou
auprès d’un sommelier, avant de vous lancer. Nous reviendrons d’ailleurs sur le
sujet dans les prochaines semaines, suivez nous sur Facebook ou Twitter ou utilisez
le tag « vin de garde » pour repérer nos articles sur ce thème.
Bonnes
dégustations !
Alain P.
Liens
Sassicaia 1981: toujours en vie ! (Jacques Benoit - La Presse)
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