mardi 21 juillet 2015

Privatiser la SAQ ou pas?

Au Québec la vente de vin est un monopole d’État et tout le système touchant à la vente des alcools est plutôt complexe. Il nous a d’ailleurs fallu 4 billets pour l’expliquer :

Cependant ce monopole est régulièrement remis en question dans les médias. En avril dernier, un rapport préparé par des économistes recommandait la privatisation de la SAQ. Celui-ci fut écarté rapidement par le gouvernement du Québec, mais le 8 juillet, un autre rapport recommandait cette fois de briser le monopole et de permettre la concurrence. Quelques jours plus tard, c’était au tour d’un professeur d’économie d’en rajouter une couche en critiquant sévèrement la gestion de la SAQ.

Si les débats économiques sont souvent abstraits et ennuyeux pour le commun des mortels, celui concernant le monopole de la SAQ est plus simple à analyser.

Quels sont les principaux problèmes reliés à ce statut selon les contestataires?

Le premier questionne la base du processus : pourquoi l’État devrait-il se mêler de vendre des alcools? On pouvait autrefois le justifier par des arguments liés au contrôle exercé par le crime organisé durant la prohibition, mais cela ne tient plus au 21e siècle. Par contre, le monopole rapporte annuellement plusde 1 milliard de profits au gouvernement, en plus des 630 millions de taxes versées au trésor québécois. En cette période de disette budgétaire, je vois mal un gouvernement se priver d’une telle manne.

Le second concerne sa politique de prix qui nuirait au consommateur en imposant des prix élevés. S’il est clair que le prix de vente des vins et alcools de la SAQ est élevé, plusieurs comparaisons récentes avec son équivalent ontarien montrent 2 monopoles globalement très proches. La principale cause des prix élevés est de toute évidence liée aux plus de 2 milliards de $ de revenus et taxes versés aux2 niveaux de gouvernement sur 3 milliards de ventes. Ces montants sont dictés par les politiciens et non par les gestionnaires de la SAQ.

Dans un même ordre d’idées, on estime souvent que la gestion de la société d’état est peu efficace et laisse la part belle au syndicat des employés. Le professeur Charlebois écorche notamment la performance des employés en comparaison de ceux de la LCBO. Malheureusement, les chiffres qu’il utilise sont erronés et de plus, il oublie que les employés de la LCBO vendent principalement de la bière et des spiritueux. Il s’agit donc de transactions simples et rapides, alors que les employés de la SAQ doivent passer plus de temps avec les clients pour les conseiller dans la vente de vin. De plus, le même professeur affiche son ignorance en parlant des 40% de vins ontariens vendus par la LCBO. Rappelons qu’il s’agit pour la grande majorité de vins embouteillés au Canada avec seulement un peu de contenu local (voir les explications dans cet autre billet), le vrai chiffre est de 2.5%.


Au final, je vois donc peu d’arguments solides pour défendre la privatisation, à tout le moins dans un contexte où nos gouvernements sont à la recherche de revenus additionnels pour maintenir des services importants pour les citoyens, comme l’éducation et la santé.

Il y a quand même la question du choix de produits, qui serait restreint par les décisions des acheteurs de notre cher monopole. Avec près de 9000 vins et plus de 1500 spiritueux, la SAQ fait néanmoins bonne figure. Si on y ajoute les quelques milliers de vins en importation privée plus la possibilité de faire des commandes privées, l’argument devient plutôt faible.

Mais quand on parle de sélection de produits, on peut toujours trouver à critiquer et je ne manque pas de souligner ce qui m’apparaît comme des lacunes. J’ai déjà déploré le moindre choix de vins du nouveau monde et l’impossibilité de trouver les vins gagnants des trophées internationaux. Je dois maintenant avouer les progrès accomplis par la SAQ dans ces deux domaines. J’ai d’ailleurs signalé récemment qu’on pouvait trouver un des derniers vins notés 100/100 par Robert Parker. On trouve aussi, même s’il en reste malheureusement très peu, le Bouissel 2011,médaille d'or et récent vainqueur du International Trophy du magazine britannique Decanter.

Malgré tout, il reste encore de la place à l’amélioration dans la vente de vins au Québec, nous en parlerons dans un prochain billet.

D’ici là, à la bonne vôtre !

Alain P.

Fiche du Bouissel 2011 sur le site Hippovino (Hipponote 3.5* Prix SAQ 20.85 $)


<< Article précédent –  Boire du rosé sans se cacher 

Aucun commentaire:

Publier un commentaire