mardi 6 février 2018

Meursault ne veut pas toujours dire Meursault…

Les appellations sont bien utiles pour savoir à quel vin on a affaire, mais encore faut-il lire l’étiquette avec attention.

Chateau de Meursault Bourgogne du Chateau
J’en ai fait l’expérience récemment lorsqu’un ami chez qui j’étais en visite a sorti une bouteille en déclarant « ce soir, on va boire du Meursault ». L’annonce de la prestigieuse appellation a provoqué une salivation intense chez les convives, y compris moi. Première surprise, c’était un vin rouge. Erreur de ma part cependant, car même si c’est très rare – moins de 5% des cas – c’est conforme aux règles de l’INAO. Ma deuxième surprise est la présence sur l’étiquette de la mention « Bourgogne du Château, Pinot noir ». En effet, en dehors des vins d’Alsace, la plupart des appellations françaises relèguent la mention du cépage à de petits caractères sur la contre-étiquette. Ceci peut sembler un peu étrange aux nord-américains, mais les grandes appellations françaises regardent de très haut les vins de cépage.

Dans le verre, nous dégustions  indiscutablement un pinot noir de style bourguignon, de belle facture et tout à fait agréable, mais la signature des crus de la Côte de Beaune ne me semblait pas au rendez-vous. Qu’était-ce donc que cette bouteille?

Un peu de recherche montre que c’est un Bourgogne rouge générique – de l’appellation Bourgogne sans mention de lieu plus précise – produit au Domaine du Château de Meursault, un vignoble qui existe depuis le XIème siècle, dont le chai est situé au cœur du village de Meursault. C’est aujourd’hui un grand vignoble de 60 hectares qui produit des vins de Meursault ainsi que d’autres appellations prestigieuses, et aussi le plus modeste Bourgogne dégusté ce soir-là. Celui-ci se détaille 32.50$ dans une succursale SAQ – lorsqu’il y en a, il n’en reste plus au moment d’écrire ces lignes – alors que les crus réputés de la même maison se vendent entre 41$ et 111$. Leurs deux vins (blancs) de l’appellation Meursault sont à 77.75$ et 91.25$.

Les raisins de notre Bourgogne du château proviennent de vignes situées dans les appellations Savigny-les-Beaune et Pommard. Ce sont donc des raisins déclassés, c’est-à-dire vendus sous une appellation plus modeste, le vigneron ayant jugé qu’ils ne satisfaisaient pas aux critères requis pour ses cuvées de prestige. La beauté des grands terroirs est que ces raisins de deuxième choix sont souvent supérieurs à ce qu’on peut trouver ailleurs. Un négociant bourguignon m’a déjà confié que, comme plusieurs grands domaines de Bourgogne ne produisent pas de vins génériques, la compétition est féroce pour racheter ces raisins déclassés, qui seraient la clef des cuvées de base les mieux réussies. La finesse de ce Bourgogne du château me fait penser à ce commentaire, heureusement d’ailleurs car le prix demandé est dans les plus chers de ce type de vin.

Si vous souhaitez acheter avec certitude une bouteille d’une appellation prestigieuse, comme Meursault par exemple, vous devez rechercher sur l’étiquette une mention « Appellation Meursault Contrôlée » ou AOC Meursault. Pour les vins étiquetés selon la norme européenne plutôt que française, ce sera « Appellation Meursault Protégée » ou AOP Meursault, mais c’est exactement la même chose car les deux normes sont désormais identiques.

Les mentions qui peuvent porter à confusion sont pour la plupart interdites et font l’objet de poursuites, mais il existe quelques exceptions, comme la bouteille dont nous parlons aujourd’hui. Il est difficile d’interdire au Château de Meursault d’utiliser le nom de son vignoble pour ses vins, alors qu’il le fait depuis 900 ans et que les AOC existent depuis environ 80 seulement. 

On avait vu un cas assez semblable avec le Domaine de l’Île Margaux dernièrement. Certains vins du Nouveau Monde ont des problèmes du même genre, le fameux vin californien Stag's Leap par exemple. De telles exceptions n’invalident pas  la notion d’appellation, imaginez un peu le nombre de vins aux noms reprenant faussement ceux des grands crus si elles n’existaient pas…

À la bonne vôtre !

Alain P.

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