Les
appellations sont bien utiles pour savoir à quel vin on a affaire, mais encore
faut-il lire l’étiquette avec attention.
J’en ai
fait l’expérience récemment lorsqu’un ami chez qui j’étais en visite a sorti
une bouteille en déclarant « ce soir, on va boire du Meursault ». L’annonce
de la prestigieuse appellation a provoqué une salivation intense chez les
convives, y compris moi. Première surprise, c’était un vin rouge. Erreur de ma
part cependant, car même si c’est très rare – moins de 5% des cas – c’est
conforme aux règles de l’INAO. Ma deuxième surprise est la présence sur l’étiquette
de la mention « Bourgogne du Château, Pinot noir ». En effet, en dehors
des vins d’Alsace, la plupart des appellations françaises relèguent la mention
du cépage à de petits caractères sur la contre-étiquette. Ceci peut sembler un
peu étrange aux nord-américains, mais les grandes appellations françaises regardent de
très haut les vins de cépage.
Dans le
verre, nous dégustions indiscutablement
un pinot noir de style bourguignon, de belle facture et tout à fait agréable,
mais la signature des crus de la Côte de Beaune ne me semblait pas au
rendez-vous. Qu’était-ce donc que cette bouteille?
Un peu de
recherche montre que c’est un Bourgogne rouge générique – de l’appellation
Bourgogne sans mention de lieu plus précise – produit au Domaine du Château de
Meursault, un vignoble qui existe depuis le XIème siècle, dont le chai est
situé au cœur du village de Meursault. C’est aujourd’hui un grand vignoble de
60 hectares qui produit des vins de Meursault ainsi que d’autres appellations
prestigieuses, et aussi le plus modeste Bourgogne dégusté ce soir-là. Celui-ci
se détaille 32.50$ dans une succursale SAQ – lorsqu’il y en a, il n’en reste plus
au moment d’écrire ces lignes – alors que les crus réputés de la même maison se
vendent entre 41$ et 111$. Leurs deux vins (blancs) de l’appellation Meursault
sont à 77.75$ et 91.25$.
Les raisins
de notre Bourgogne du château proviennent de vignes situées dans les
appellations Savigny-les-Beaune et Pommard. Ce sont donc des raisins déclassés,
c’est-à-dire vendus sous une appellation plus modeste, le vigneron ayant jugé
qu’ils ne satisfaisaient pas aux critères requis pour ses cuvées de prestige.
La beauté des grands terroirs est que ces raisins de deuxième choix sont
souvent supérieurs à ce qu’on peut trouver ailleurs. Un négociant bourguignon m’a
déjà confié que, comme plusieurs grands domaines de Bourgogne ne produisent pas
de vins génériques, la compétition est féroce pour racheter ces raisins
déclassés, qui seraient la clef des cuvées de base les mieux réussies. La
finesse de ce Bourgogne du château me fait penser à ce commentaire,
heureusement d’ailleurs car le prix demandé est dans les plus chers de ce type
de vin.
Si vous
souhaitez acheter avec certitude une bouteille d’une appellation prestigieuse,
comme Meursault par exemple, vous devez rechercher sur l’étiquette une mention
« Appellation Meursault Contrôlée » ou AOC Meursault. Pour les vins étiquetés
selon la norme européenne plutôt que française, ce sera « Appellation Meursault
Protégée » ou AOP Meursault, mais c’est exactement la même chose car les deux
normes sont désormais identiques.
Les
mentions qui peuvent porter à confusion sont pour la plupart interdites et font
l’objet de poursuites, mais il existe quelques exceptions, comme la bouteille
dont nous parlons aujourd’hui. Il est difficile d’interdire au Château de
Meursault d’utiliser le nom de son vignoble pour ses vins, alors qu’il le fait
depuis 900 ans et que les AOC existent depuis environ 80 seulement.
On avait vu un cas assez semblable avec le Domaine de l’Île Margaux dernièrement. Certains vins du
Nouveau Monde ont des problèmes du même genre, le fameux vin californien Stag's Leap par exemple. De telles exceptions n’invalident pas la notion d’appellation, imaginez un peu le
nombre de vins aux noms reprenant faussement ceux des grands crus si elles n’existaient
pas…
À la bonne
vôtre !
Alain P.
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