Oui, ça y
est, les États-Unis viennent de dépasser la France en consommation de vin selon
l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV). Elle avait été
surclassée par l’Italie et l’Espagne au
niveau de la production, elle est éclipsée par le Vatican et le Luxembourg pour
la consommation par habitant. Le coup sera durement vécu dans un hexagone déjà
en proie à la déprime économique, on va sûrement entendre beaucoup de «
décidément, tout fout le camp » dans les bistrots parisiens…
Le vin n’est
plus un aliment de base
Cependant,
il ne s’agit pas d’un véritable déclin mais plutôt d’une évolution naturelle,
qu’on pourrait même qualifier de saine. En effet, comme le soulignait Michel
Bettane dans cette entrevue au journal Les Échos en décembre dernier, les
français buvaient beaucoup de vin à une époque où celui-ci faisait partie de
leur alimentation de base. Ce n’est plus le cas maintenant, c’est une boisson
parmi d’autres et sa consommation est associée à l’art de vivre, au plaisir. Il
en résulte donc une forte baisse des vins de table de bas de gamme, qui se
reflète dans la baisse globale de la consommation.
Les
nouveaux consommateurs
En
parallèle, on voit en France, comme dans les autres pays, des consommateurs de
plus en plus sophistiqués, curieux, qui recherchent des vins de qualité. Ils
s’informent via les magazines, sur Internet, fréquentent les salons et les
dégustations, suivent des cours, bref il y a de plus en plus de véritables
amateurs de vin. Si vous nous lisez, vous en faites certainement partie.
En termes
de consommation, ces nouveaux amateurs génèrent une forte croissance dans les
pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, la Chine (et plusieurs
autres) où le vin ne faisait pas partie de la culture alimentaire. Il ne faut
donc pas s’étonner si la consommation de pays fortement peuplés comme les
États-Unis (et bientôt la Chine) dépasse celle de la France. Des données d’autres
sources (Wine Institute) indiquaient d’ailleurs ce dépassement dès 2010.
De mauvaises
années de production
La 3e
place de la France au niveau production est sans doute attribuable aux aléas
climatiques qui ont marqué les années 2012 et 2013. Si 2013 a montré une faible
hausse de production en France après un 2012 catastrophique, l’Italie a pu
maintenir sa position de tête et la forte croissance espagnole (+23%) a
propulsée celle-ci au 2e rang.
A long
terme il est difficile de faire des prédictions de production le moindrement précises car
de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, dont au premier chef les
conditions météorologiques, eux-mêmes affectés par les changements climatiques.
La tendance vers les vins de qualité pointe vers une baisse du volume de
production compensée par une hausse en valeur, mais cette évolution touche tous
les grands pays producteurs. Il est donc risqué de prédire qui tirera son
épingle du jeu.
La grande force
de la France
Si la France
a été déclassée pour plusieurs aspects, il lui reste cependant la couronne de
productrice des vins les plus chers du monde et surtout celle de leader des
exportations. Avec plus de 7800 millions d’Euros selon l’OIV, elle pèse plus de
30% des exportations mondiales de vins, loin devant l’Italie et l’Espagne. Cet
écart est le fruit de la combinaison d’un prestige viticole extraordinaire avec un
volume de production encore très important et ne pourra être comblé avant
plusieurs années. [Ajout –
22-07-2014] Les derniers chiffres montrent néanmoins une menace à ce niveau. En
2013, les exportations de vins françaises ont subi une baisse de 13% en valeur,
une première depuis plus de 10 ans. Il reste à voir si cela est relié au
tassement de la production dont nous avons parlé auparavant ou si une tendance
se dessine.
En
observant l’évolution récente on note également l’apparition d’une nouvelle
génération de vignerons français qui ont compris que faire un bon produit ne
suffit plus et qui travaillent efficacement le marketing de leurs vins. Ils n’ont
pas peur de voyager – on en voit d’ailleurs plusieurs visiter le Québec chaque
année – et leur présence sur Internet et sur les médias sociaux est en
constante progression. C’est de bon augure pour l’avenir de la viticulture
française.
Et ses
faiblesses
Plusieurs
organismes du monde viticole français pointent du doigt les restrictions au
marketing du vin en France (la tristement célèbre loi Evin qui interdit à peu près toute
forte de promotion) et la lourdeur excessive des réglementations françaises et
européennes. Il suffit de lire les blogues de producteurs français pour
constater le poids extrême de celles-ci ainsi que le zèle tatillon des autorités.
Si ces deux
aspects sont des handicaps certains, une autre faiblesse apparaît toutefois
bien évidente à un œil extérieur : la violence de la division entre les
différents courants de la viticulture hexagonale. Vu du Québec, le monde
français du vin est un gigantesque Clochemerle – c’est peut-être logique après
tout car ce roman se déroulait dans le Beaujolais. Les vignerons bios traitent
les autres comme des empoisonneurs. Les « naturistes » dénigrent allégrement
les grands crus tout en se faisant traiter de bobos vinaigriers par le reste de
la profession. Un domaine est ajouté à la liste des plus prestigieuses
propriétés bordelaises et son propriétaire doit subir une cabale d’une
virulence extrême. Certaines interprofessions font des efforts incroyables pour
bloquer toute évolution tandis que des contestataires se déclarent carrément au-dessus
des lois. Et on pourrait malheureusement continuer cette liste très longtemps.
Si vous
lisez ce blogue régulièrement vous aurez certainement remarqué que nous apprécions les bons
vins de toutes les provenances et de toutes les catégories. La France a encore
une offre incroyable de qualité de de diversité mais de nombreux autres pays
sont rendus au même niveau. Dans ces conditions, chers amis du mondovino
français, ne pensez-vous qu’il serait plus porteur de mettre un peu vos
divisions de côté pour progresser
ensemble? Coluche avait dit « Si un jour, les japonais fabriquent du camembert
et du vin rouge, il faudra fermer la France.» Il n’y a pas de menace japonaise
en vue, mais la Chine est déjà le 12e producteur de vin mondial…
À votre
santé !
Alain P.
Liens
Top 10 des pays consommateurs de vin (Les Echos)
Entrevue avec Michel Bettane (Les Echos)
La production mondiale de vin (VinQuébec)
Le Vatican, plus grand consommateur de vin au monde (L’Actualité)
Données del’OIV (PDF)
Wine Institute
La France recule sur le marché mondial du vin (Revue du vin de France)
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