mardi 27 mai 2014

La France n’est plus LE pays du vin, déclin ou simple évolution?

Oui, ça y est, les États-Unis viennent de dépasser la France en consommation de vin selon l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV). Elle avait été surclassée par l’Italie  et l’Espagne au niveau de la production, elle est éclipsée par le Vatican et le Luxembourg pour la consommation par habitant. Le coup sera durement vécu dans un hexagone déjà en proie à la déprime économique, on va sûrement entendre beaucoup de « décidément, tout fout le camp » dans les bistrots parisiens


Le vin n’est plus un aliment de base

Cependant, il ne s’agit pas d’un véritable déclin mais plutôt d’une évolution naturelle, qu’on pourrait même qualifier de saine. En effet, comme le soulignait Michel Bettane dans cette entrevue au journal Les Échos en décembre dernier, les français buvaient beaucoup de vin à une époque où celui-ci faisait partie de leur alimentation de base. Ce n’est plus le cas maintenant, c’est une boisson parmi d’autres et sa consommation est associée à l’art de vivre, au plaisir. Il en résulte donc une forte baisse des vins de table de bas de gamme, qui se reflète dans la baisse globale de la consommation.

Les nouveaux consommateurs

En parallèle, on voit en France, comme dans les autres pays, des consommateurs de plus en plus sophistiqués, curieux, qui recherchent des vins de qualité. Ils s’informent via les magazines, sur Internet, fréquentent les salons et les dégustations, suivent des cours, bref il y a de plus en plus de véritables amateurs de vin. Si vous nous lisez, vous en faites certainement partie.

En termes de consommation, ces nouveaux amateurs génèrent une forte croissance dans les pays comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, la Chine (et plusieurs autres) où le vin ne faisait pas partie de la culture alimentaire. Il ne faut donc pas s’étonner si la consommation de pays fortement peuplés comme les États-Unis (et bientôt la Chine) dépasse celle de la France. Des données d’autres sources (Wine Institute) indiquaient d’ailleurs ce dépassement dès 2010.




De mauvaises années de production

La 3e place de la France au niveau production est sans doute attribuable aux aléas climatiques qui ont marqué les années 2012 et 2013. Si 2013 a montré une faible hausse de production en France après un 2012 catastrophique, l’Italie a pu maintenir sa position de tête et la forte croissance espagnole (+23%) a propulsée celle-ci au 2e rang.

A long terme il est difficile de faire des prédictions de production le moindrement précises car de nombreux paramètres entrent en ligne de compte, dont au premier chef les conditions météorologiques, eux-mêmes affectés par les changements climatiques. La tendance vers les vins de qualité pointe vers une baisse du volume de production compensée par une hausse en valeur, mais cette évolution touche tous les grands pays producteurs. Il est donc risqué de prédire qui tirera son épingle du jeu.

La grande force de la France

Si la France a été déclassée pour plusieurs aspects, il lui reste cependant la couronne de productrice des vins les plus chers du monde et surtout celle de leader des exportations. Avec plus de 7800 millions d’Euros selon l’OIV, elle pèse plus de 30% des exportations mondiales de vins, loin devant l’Italie et l’Espagne. Cet écart est le fruit de la combinaison d’un prestige viticole extraordinaire avec un volume de production encore très important et ne pourra être comblé avant plusieurs années. [Ajout – 22-07-2014] Les derniers chiffres montrent néanmoins une menace à ce niveau. En 2013, les exportations de vins françaises ont subi une baisse de 13% en valeur, une première depuis plus de 10 ans. Il reste à voir si cela est relié au tassement de la production dont nous avons parlé auparavant ou si une tendance se dessine.

En observant l’évolution récente on note également l’apparition d’une nouvelle génération de vignerons français qui ont compris que faire un bon produit ne suffit plus et qui travaillent efficacement le marketing de leurs vins. Ils n’ont pas peur de voyager – on en voit d’ailleurs plusieurs visiter le Québec chaque année – et leur présence sur Internet et sur les médias sociaux est en constante progression. C’est de bon augure pour l’avenir de la viticulture française.

Et ses faiblesses

Plusieurs organismes du monde viticole français pointent du doigt les restrictions au marketing du vin en France (la tristement célèbre loi Evin qui interdit à peu près toute forte de promotion) et la lourdeur excessive des réglementations françaises et européennes. Il suffit de lire les blogues de producteurs français pour constater le poids extrême de celles-ci ainsi que le zèle tatillon des autorités.

Si ces deux aspects sont des handicaps certains, une autre faiblesse apparaît toutefois bien évidente à un œil extérieur : la violence de la division entre les différents courants de la viticulture hexagonale. Vu du Québec, le monde français du vin est un gigantesque Clochemerle – c’est peut-être logique après tout car ce roman se déroulait dans le Beaujolais. Les vignerons bios traitent les autres comme des empoisonneurs. Les « naturistes » dénigrent allégrement les grands crus tout en se faisant traiter de bobos vinaigriers par le reste de la profession. Un domaine est ajouté à la liste des plus prestigieuses propriétés bordelaises et son propriétaire doit subir une cabale d’une virulence extrême. Certaines interprofessions font des efforts incroyables pour bloquer toute évolution tandis que des contestataires se déclarent carrément au-dessus des lois. Et on pourrait malheureusement continuer cette liste très longtemps.

Si vous lisez ce blogue régulièrement vous aurez certainement remarqué que nous apprécions les bons vins de toutes les provenances et de toutes les catégories. La France a encore une offre incroyable de qualité de de diversité mais de nombreux autres pays sont rendus au même niveau. Dans ces conditions, chers amis du mondovino français, ne pensez-vous qu’il serait plus porteur de mettre un peu vos divisions de côté pour  progresser ensemble? Coluche avait dit « Si un jour, les japonais fabriquent du camembert et du vin rouge, il faudra fermer la France.» Il n’y a pas de menace japonaise en vue, mais la Chine est déjà le 12e producteur de vin mondial…

À votre santé !

Alain P.

Liens

Wine Institute

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