jeudi 26 mars 2015

Vins d’Ontario : les rouges étonnent !

N’allez surtout pas croire que je discrédite les blancs ontariens, bien au contraire : s’ils me semblent moins surprenants, c’est simplement que le «wow!», je l’ai eu il y a de cela bien des années. Les rieslings de Cave Spring et du Château des Charmes ainsi que les chardonnays de Clos Jordanne, de Closson Chase et surtout de Bachelder en sont les responsables. Les rouges, eux, devaient attendre…

Jusqu’à ce que je participe au séminaire organisé par Wine Country Ontario, le 4 mars dernier, les seuls vins rouges de la province voisine qui m’avaient réellement fait vibrer étaient les pinots noirs de Norman Hardie à Prince Edward County. 

Animé par Bill Zacharkiw, chroniqueur à la Gazette, le masterclass fut aussi riche en information théorique qu’en discussions captivantes avec les producteurs sur place. Au passage, les intervenants en ont profité pour rappeler les caractéristiques principales de la région vinicole : une zone géographique au climat frais, tempérée par l’effet adoucissant des Grands Lacs et le convecteur naturel que constitue l’escarpement du Niagara ; une géologie complexe où des bandes de roches calcaires sont recouvertes de couches de gravier, de sable et d’argile ; des vignerons passionnés et soucieux de l’environnement encadrés par un système réglementé – la Vintners Quality Association (VQA) – qui s’inspire des modèles européens. 

De belles promesses sur papier, mais qu’en est-il dans le verre ?


Dégustation

Les mousseux sont… bons, c’est tout. 

Les rieslings, fidèles à eux-mêmes, procurent de belles émotions avec une énergie et une minéralité qui les placent au même niveau que bien des allemands et alsaciens à prix similaires. 

Les chardonnays poursuivent leur ascension avec des acidités vivifiantes, mais posées ainsi que des élevages en barriques où la parcimonie demeure le mot d’ordre. 

Les gamays, un peu décevants ; le fruit est occulté, la soif n’y est pas. 

Les pinots noirs semblent avoir trouvé un créneau tout ontarien ; bien que légèrement plus riches que leurs alter ego bourguignons, ils démontrent pureté et finesse. Et, contrairement à plusieurs expériences de dégustations passées, j’ai l’impression que désormais l’apport en bois sustente, plus qu’il n’aplanisse le vin. Des pinots élégants à la texture ample. 

Enfin, la révélation de la sélection: les cabernets francs. L’équilibre ! L’acidité, la structure tannique, l’alcool, le spectre aromatique… tous les vins dégustés ont, chacun à leur façon, une harmonie, une cohérence remarquable. Mes notes sont d’ailleurs parsemées de comparaisons aux crus de Bourgueil et Chinon, deux appellations non négligeables de la Loire où le cabernet est à l’honneur.


Pour tenter l’expérience des crus ontariens, voici 2 bouteilles qui appuient le propos tenu dans les lignes précédentes : un pinot et un cabernet franc.

D’abord, le pinot noir tradition 2012 de Queylus, un domaine bien connu au Québec puisqu’il est l’œuvre d’hommes d’affaires Québécois – l’incontournable Champlain Charest fait d’ailleurs partie d’un nouveau groupe d’actionnaires qui se sont joint à l’aventure en 2013.

Un vin relativement riche et un brin charmeur qui n’a cependant rien à voir avec les bombes de fruits que certaines maisons californiennes tentent de nous faire avaler. Un pinot harmonieux qui dévoile des arômes de cerise macérée, de canneberge et de muscade ainsi qu’une bouche à la fois juteuse et tendue. L’élevage en barrique contribue à la complexité du vin sans alourdir l’ensemble. 


Ensuite, la cuvée Dolomite de la maison Cave Spring. Sans aucun doute, l’un des plus beaux cabernets francs ontariens que j’aie dégustés depuis quelques années. Le nez profond mais subtil révèle d’abord des notes de fruits noirs, de fleurs fanées et d’herbes aromatiques (menthe, sariette, etc.) avant de nous transporter sur un registre plus minéral qui fait penser au charbon. 

L’équilibre en bouche est remarquable : l’alcool est maîtrisé, les tannins sont fins, la matière coule doucement pour nous laisser sur une pointe de thé noir mentholé en finale. Ce vin a quelque chose de sauvage qu’on se plaît à domestiquer.

Santé !

Frédéric Fortin

Liens

Fiche du Domaine Queylus Pinot Noir Tradition sur Hippovino.

Le Cabernet Franc Dolomite de Cave Spring est seulement en vente à la propriété. Un petit voyage en Ontario ?


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