mardi 5 septembre 2017

Sucre et vin, amis ou ennemis? (Partie 1)

Le jus de raisin contient beaucoup de sucre, c’est bien connu. Le vigneron mesure d’ailleurs la concentration de sucre dans les baies de raisin afin de déterminer quand il peut commencer les vendanges. Par exemple, lorsque cette concentration atteint 203 grammes par litre (21 degrés Brix en jargon œnologique) il sait que, lorsque le moût aura subi sa fermentation alcoolique sous l’effet des levures, le vin obtenu titrera environ 12% d’alcool. Pour une décision finale, il doit évaluer aussi d’autres paramètres, nous en parlerons dans un autre billet.


Mais comme vous voyez, le sucre est indispensable à la production de vin, puisque c’est lui qui se transforme en alcool. Selon le type de cépage et le niveau de maturité, la concentration de sucre dans le moût (le jus des raisins) sera plus ou moins élevée, ce qui conduira à différents degrés d’alcool. Ces variations sont normales, mais les changements climatiques ainsi que les nouvelles tendances en viticulture amènent aujourd’hui à récolter des raisins plus mûrs. Il en résulte une tendance à la hausse des degrés d’alcool, nous en avions parlé plus en détails ici même.

Dans la pratique, la fermentation alcoolique se termine le plus souvent avant que tout le sucre présent dans le moût soit transformé en alcool. Celui qui reste est ce qu’on appelle le sucre résiduel. On le mesure en grammes par litre (g/L). Là encore, on observe de fortes variations, ce qui détermine si le vin est sec, doux ou liquoreux. Plusieurs terminologies existent et les valeurs qui les définissent varient selon les types de vin et aussi selon les époques. Il y a cinquante ans, un vin sec devait avoir moins de 2 g/L de sucre résiduel, aujourd’hui on parle souvent de 4 g/L. En fait, la définition officielle de l'Organisation internationale de la vigne et du vin indique pour un vin sec une limite entre 4 g/L et 9 g/L selon la quantité d’acide présente dans le vin (voir référence OIV).



Nous nous efforçons de présenter le taux de sucre résiduel sur les fiches du site HippoVino. Notre source primaire pour cette information est le site de la SAQ, où elle figure sous l’onglet Infos détaillées. Cette donnée est mesurée par le laboratoire de la SAQ, mise à jour régulièrement sur leur site puis sur le nôtre lorsque notre fiche est modifiée. Notez que cette mesure correspond au taux de sucre réducteur, ce qui inclut glucose et fructose, méthode définie selon les standards internationaux de l'OIV. Lorsque le taux de sucre ne figure pas sur le site de la SAQ, nous utilisons la fiche technique du producteur ou de l’agence, si la donnée est disponible.

Par contre, ces valeurs ne doivent pas être lues comme des données de haute précision. Par exemple, il n’y a pas de différence perceptible entre 3.5 g/L et 4.5 g/L. On affiche ces valeurs pour que vous sachiez dans quelle gamme le vin se situe. Est-il sans sucre résiduel (moins de 2 g/L), plutôt sec (moins de 10 g/L), plutôt doux (entre 20 g/L et 50 g/L) ou vraiment très sucré comme par exemple un vin de glace à plus de 200 g/L. Ceci permet également de compléter le calcul du nombre de calories dans un vin donné (la majorité des calories provenant de l’alcool).

Si tout le monde connaît le goût du sucre, sa perception dans un liquide complexe comme le vin varie beaucoup selon les individus. Chimiquement parlant, tous les vins sont acides car ils ont un ph inférieur à 4, or l’acidité masque le sucre et vice versa. Inversement, un taux d’alcool élevé, des saveurs de fruits très mûrs ou de boisé peuvent provoquer une sensation de sucrosité, même si le vin ne contient presque pas de sucre résiduel. Ces perceptions gustatives vont varier selon la quantité de salive présente dans la bouche et seront donc différentes d’un individu à l’autre, ou même d’un moment à l’autre, par exemple si une situation particulière vous assèche la bouche. La température de service aura également un impact, un vin plus froid paraissant moins sucré. Il ne faut donc pas s’étonner si les jugements portés sur la présence de sucre dans un vin donné varient d’une personne à l’autre.

S’il est normal que certains vins soient très sucrés, d’autres un peu ou pas du tout, pourquoi donc lit-on autant de commentaires négatifs, pour ne pas dire méprisants, sur des bouteilles qui contiennent 12 ou 15 grammes de sucre par litre? C’est ce que nous verrons dans un prochain billet, stay tuned !

À la bonne vôtre !

Alain P.


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