Aujourd’hui
mercredi 22 août 2018, c’est le second jour de grève des employés de magasin et
de bureau de la SAQ. Rappelons que ces employés ont donné en juin dernier à
leur syndicat un mandat pour déclencher jusqu’à six jours de grève pour faire
avancer les négociations sur leurs
conditions de travail. Une première journée de grève surprise avait été
déclenchée le mardi 17 juillet dernier. Cette seconde journée était au
contraire annoncée depuis quelques jours et le syndicat indique qu’elle est destinée à envoyer un message au gouvernement du Québec, plutôt qu’à la
direction de la SAQ.
Il faut
dire que les deux partis en tête des sondages pour la prochaine élection
provinciale ont indiqué leur volonté de libéraliser davantage le commerce du
vin et donc de diminuer la position monopolistique de la SAQ. Cette
libéralisation aura évidemment des conséquences sur la SAQ et ses employés,
impossibles à évaluer pour le moment, les programmes des deux partis étant
totalement flous sur les décisions concrètes qui sont envisagées. Par contre,
les annonces de cette volonté ont déjà clairement affaibli la position du
syndicat, qui essaie de la renforcer par cette nouvelle journée de grève.
Quelles
sont les questions en litige dans cette négociation? Pour une fois, il n’est
pas question de salaire. Il faut dire que les salaires des employés de la SAQ
sont plutôt élevés selon les barèmes du commerce de détail (près de 25$/heure
pour un caissier en haut de l’échelle salariale). La question principale semble
reliée aux horaires de travail. Comme on peut le voir sur la photo à gauche de
cet article, la SAQ étend ses heures d'ouverture les soirs et les fins de
semaine pour accommoder sa clientèle. Elle a donc besoin que ses employés
travaillent un plus grand nombre d’heures le soir et la fin de semaine, ce à quoi se
refuse le syndicat, plus habitué à se comparer à la fonction publique qu’aux
autres commerces de détail.
Le problème
est que la vision syndicale est complètement à contre-courant des tendances qui
affectent déjà la SAQ et vont s’accélérer dans les prochaines années. Les
consommateurs ont moins de temps de magasinage, ce qui a trois conséquences.
Ils achètent de plus en plus en ligne. Ils vont en magasin à des heures
atypiques, soit pour la transaction la plus brève possible (acheter leur
produit habituel ou récupérer une commande placée en ligne), soit pour y vivre
une "expérience" (ce qui va impliquer qu’un conseiller compétent leur
consacre du temps, leur fasse découvrir et goûter des produits, etc.). Ils
optimisent leur temps et privilégient la formule "one stop shop" en
achetant leur vin à l’épicerie avec leurs autres produits.
Le résultat
de ces tendances est facilement prévisible, les ventes de vin en épicerie
augmentent déjà nettement plus vite que celles en succursales. Rien que pour
maintenir ses ventes en magasin, plus rentables que les autres, la SAQ va
devoir se rapprocher des heures d’ouverture des épiceries, faciliter les transactions
rapides et la récupération des commandes placées en ligne, ainsi que développer
le volet expérience client. Elle risque donc d’avoir besoin de moins d’employés,
mais ceux qui vont rester devront être plus spécialisés et travailler des
horaires atypiques. Si les promesses de libéralisation se traduisent par
davantage de choix de vins en épicerie et/ou l’ouverture de boutiques privées,
la pression sera beaucoup plus forte sur la SAQ et ses employés. Lorsque les
technologies de « magasin complètement automatisé sans employé » (comme l’expérimente
Amazon) seront au point, elles seront hyper efficaces pour les transactions
rapides et particulièrement adaptées pour l’achat d’alcool puisque les formats
de produits vendus sont moins nombreux et mieux identifiables que ceux d’autres
commerces. La firme Alibaba teste d’ailleurs un tel magasin de vin automatisé
en Chine. Une autre mauvaise nouvelle pour le syndicat…
Même si
cette journée de grève était annoncée depuis plusieurs jours, la direction de
la SAQ semble avoir eu un problème à afficher la liste des succursales ouvertes et
opérées par les employés non syndiqués. Elle vient tout juste d’apparaître en ligne durant la publication de ce billet. De toute façon, il serait sans doute plus sage d’attendre
à demain pour acheter de quoi picoler car vous risquez d’être mal reçu en vous
présentant aujourd’hui dans un magasin. Si vous avez très soif, les épiceries
sont ouvertes; si comme nous vous détestez le vin en vrac vendu au prix fort,
on y trouve des vins du Québec et plein de bonnes bières.
À la bonne
vôtre !
Alain P.
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