Le débat
entre les partisans des bouchons de liège et les tenants des capsules à vis est
de ceux qui me fascinent depuis longtemps. Comme toujours dans le monde du vin,
on trouve des positions très marquées. D’un côté, on voit les capsules comme le
remède miracle pour éliminer les bouteilles défectueuses et permettre une conservation
parfaite et infinie. De l’autre, on défend que, contrairement au bouchage métallique,
le liège a fait ses preuves depuis fort longtemps.
Les
champions de la capsule se percevant comme plus modernes que leurs congénères
vont ensuite sortir des statistiques gonflées à l’hélium avec jusqu’à 10 % de
bouteilles défectueuses. Pour donner le goût de grâce, ils asséneront les
quelques études ou dégustations montrant quelques vins capsulés s’étant bien conservés
pendant quelques années.
Leurs
opposants répliquent qu’aujourd’hui les taux de défauts liés au TCA (le trichloroanisole, molécule responsable du fameux goût bouchon) ont diminué aux alentours de 1 % si on utilise des bouchons de liège de qualité. De plus, ils prétendent que le
vieillissement du vin demande un très faible apport d’oxygène, que le liège
permet d’obtenir. Ils termineront en comparant les millions de bouteilles qui
ont bien vieilli durant plusieurs dizaines d’années aux quelques bouteilles
capsulées ayant tenu jusqu’à 10 ans.
Au final, c’est
la préférence du consommateur qui est l’argument le plus déterminant. En France
et en Belgique, la préférence pour les bouchons de liège est très marquée,
surtout pour les vins de milieu et haut de gamme. La maison bordelaise André Lurton est d’ailleurs revenue au liège pour respecter cette préférence. C’est
moins vrai dans les pays du nouveau monde, qui semblent davantage apprécier la
simplicité du décapsulage.
Plus qu’un
simple caprice traditionnaliste, il y a une raison historique à ces différences.
J’ai vécu mon enfance en France et, à cette période, le vin était encore sur la
table à chaque repas. Par contre, durant la semaine on buvait du vin de table
(ce qu’on appelle aujourd’hui les vins de France) et la fin de semaine on
passait au « vin bouché », selon l’expression utilisée alors.
Effectivement, dès cette époque les vins de bas de gamme étaient fermés par des
capsules à vis, moins chères que les bouchons de liège. Par contre, personne n’aurait
osé livrer une bouteille de vin d’appellation contrôlée sans un bouchon
classique, les consommateurs risquant de le confondre avec un vin de table.
Selon moi, la
terminologie utilisée illustre bien l’image de vin haut de gamme associée aux bouchons
de liège à cette période, qui coïncide avec l’essor des AOC en France. Elle se
continue aujourd’hui en Europe, mais les pays du nouveau monde n’ont pas un tel
vécu. Ils ont commencé à boire du vin en s’intéressant à la gastronomie, donc
sans passer par la phase vin de table. L’image des bouteilles fermées par une
capsule n’y évoque donc rien de particulier.
Au Québec,
nous sommes les plus grands buveurs de vin en Amérique du Nord et nous sommes
nombreux à en boire régulièrement. Plusieurs d’entre nous ont aussi adopté l’habitude
du « petit vin » pour les débuts de semaine et de la « bonne bouteille » pour
souligner l’arrivée du week-end. C’est peut-être pour cela, ou c’est notre
influence française, mais nous semblons également attachés au bouchon de liège
pour les meilleurs vins.
J’avoue que
j’aime bien le petit cérémonial du débouchage. Pour moi, il fait partie de l’importance
que j’accorde au service du vin. Inversement, quand j’ouvre une bouteille
fermée par une capsule, j’ai l’impression de servir un produit industriel, sans
âme. Que voulez-vous, les images de l’enfance sont difficiles à effacer…
À la bonne
vôtre !
Alain P.
P.S. Au-delà
de l’image, il y a la réalité toute simple qui est que bouchons et capsules
peuvent très bien faire le travail de fermer une bouteille. Choisissez votre
vin en fonction de son goût et non du type de bouchage, sauf si vous n’avez pas
de tire-bouchon sous la main, naturellement.
<<
Article précédent – Qualité-prix : les vins blancs espagnols font merveille !
Aucun commentaire:
Publier un commentaire