mardi 10 novembre 2015

Quelques vins en hommage à mon père

Il aurait eu 97 ans aujourd’hui, mais il ne s’est pas rendu jusque-là. Je choisis donc de lui dédier ce billet, car non seulement je lui dois beaucoup dans plusieurs domaines, mais je suis très heureux d’avoir hérité de son amour du vin.

Hérité n’est pas le bon mot, car il me l’a plutôt transmis. Dans ma jeunesse, le vin était encore perçu en France comme un aliment. Non seulement on en buvait midi et soir, mais le quart de vin faisait partie de tous les repas servis aux travailleurs. Les employeurs y étaient même obligés par la loi (oui, on est très loin des préoccupations d’aujourd’hui et de la loi Evin). Mon père buvait du vin de table durant la semaine et du vin « bouché » (des vins de meilleure qualité, VDQS ou appellation contrôlée) la fin de semaine. La tradition familiale était d’ajouter une goutte de vin dans le verre d’eau des enfants. C’était vraiment une goutte, rien pour s’énerver.

Mais, à partir de 12 ans, mon père m’a aussi permis de goûter à ses bouteilles du week-end. À ma demande et au grand dam de ma mère, il me servait un tout petit fond de verre de chaque nouvelle bouteille «pour que j’apprenne le vin.» À cette époque, dans les petites villes de province comme celles où j’habitais, le choix de vins se limitait à ceux de la région élargie. Dans mon coin, c’était la partie Ouest de la Loire et les Bordeaux. Heureusement, mon grand-père étant retraité de la SNCF, avait accès à un magasin coopératif qui offrait des cuvées de toute la France et toute la famille en profitait. En plus des vins d’Alsace et du Languedoc que mon père aimait beaucoup, il appréciait aussi des régions moins connues, comme Bergerac, Gaillac et Madiran.



J’ai hérité de son goût pour la découverte et de son grand respect pour les vignerons. Lorsque sur la route des vacances nous faisions une pause pour visiter une cave, il avait toujours des bons mots pour les vins dégustés. J’ai vite appris à décoder les différences entre ses véritables compliments et ses mots d’encouragement pour des gens qui, disait-il, faisaient un travail difficile et ingrat, car à la merci des caprices de la nature. Voici donc trois cuvées découvertes au Raspipav que j’aurais aimées déguster en sa compagnie.

Son goût pour les vins hors des sentiers battus lui aurait fait apprécier le Blanc de Morgex et de la Salle de la maison Ermès Pavese. Il est produit avec le cépage Prié blanc dans une minuscule appellation du Val d’Aoste, dans les Alpes italiennes, avec des ceps francs de pied (non greffés) plantés à 1200 m d’altitude. Il en résulte un vin blanc frais et original, légèrement doré, au côté minéral marqué, relevé de saveurs de fleurs, de fruits blanc et de raisin muscat. Un très bon blanc d’apéro. Une importation privée de l’agence Vinatovin.

Dans les rouges, il aurait été séduit par le côté amusant, autant pour la bouteille, un magnum avec un grand dessin de lapin, que son contenu, un assemblage pinot noir et gamay du vignoble ontarien Grange of Prince Edward. Un tel assemblage existe aussi en Bourgogne dans les appellations Bourgogne passe-tout-grains et Coteaux bourguignons. La version de Grange est très réussie avec de la fraîcheur, un beau fruité et une profondeur certaine. Il ne manque qu’une belle assiette de charcuteries et c’est le bonheur total. On espère que l’agence Bambara Sélection l’ajoutera à sa liste d’importations privées de Grange.

Mon père avait un faible pour les Bordeaux de petites appellations dont les Côtes de Bourg. Le Grand vin du Château Grand Maison l’aurait sûrement interpellé, d’autant plus que ce domaine se distingue par une longue histoire et par un encépagement particulier, qui fait plus de place au cépage Malbec. Malgré ce petit écart, cela donne un Bordeaux au style classique avec une bonne richesse en bouche et des tanins bien enrobés par un élevage très réussi. Mon père l’aurait certainement mis en cave pour quelques années mais, avec une bonne aération, il est déjà capable d’accompagner fort agréablement un navarin d’agneau. Une importation privée de l’Agence Benedictus.

À la bonne vôtre et tchin-tchin mon cher Roro !


Alain P.




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